Précisions sur les entreprises soumises aux sanctions du CNAPS

Les sanctions du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) peuvent concerner des entreprises n’ayant pas normalement pour activité des missions de sécurité privé.

Un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Bordeaux (21/03/2024, 21BX04581) illustre cette situation.

Lors du contrôle d’une station-essence, les agents du CNAPS ont relevé la présence de deux personnes qui filtraient les entrées devant la porte du local commercial. Après examen de la situation, les agents du CNAPS ont considéré que ces personnes, ne disposant pas de carte d’agent de sécurité privée, accomplissaient une activité privée de sécurité. Cette interprétation a été confirmé par les instances disciplinaires du CNAPS.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé cette interprétation en relevant que le filtrage réalisé par ces personnes constituait une activité privée de sécurité au sens du 1° de l’article L. 611-1 précité du code de la sécurité intérieure.

La juridiction a ajouté que l’article L. 612-25 du Code de la sécurité intérieure permet aux entreprises d’échapper à certaines obligations imposées aux entreprises privées de sécurité si elles confient à leurs agents une activité privée de sécurité mais uniquement pour le compte de ces structures. Ces obligations sont les suivantes :  

  • Avoir une activité exclusive en sécurité privée.
  • Faire nécessairement ressortir que ces entreprises sont une personne de droit privé,
  • Détenir un agrément pour les exploitants individuels, dirigeants et gérants,
  • Et mentionner sur tous les documents qu’elles émettent qu’elles détiennent une autorisation administrative liée à la sécurité privée.

Néanmoins, ces exceptions n’empêchent la soumission de ces entreprises aux autres règles imposées aux activités privées de sécurité, issues du Code de la sécurité intérieure et contrôlées par le CNAPS.

Ainsi, une procédure disciplinaire pouvait ici être engagé par le CNAPS.

Des interrogations sur la soumission de votre activité au Code de la sécurité intérieure ? N’hésitez pas à me contacter.

Le refus de renouvellement carte agent de sécurité et les antécédents judiciaires de l’agent de sécurité

Pour exercer leur profession, les agents de sécurité doivent présenter des garanties de moralités.

Cette obligation est notamment rappelée à l’article L. 612-20 du Code de la sécurité intérieure qui interdit au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) de délivrer une carte d’agent de sécurité, après une enquête administrative, à une personne ayant une ou plusieurs mentions à son casier (1°) ou ayant fait l’objet d’une mise en cause inscrite sur un fichier de traitements inscrite sur de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales (en l’occurrence le fichier dit TAJ pour « traitement des antécédents judiciaires »).

Toutefois, la consultation du TAJ peut poser des difficultés dès lors que ce fichier contient des mises en cause et non des condamnations. Cette situation est renforcée par la mise à jour très lente des données par les services des parquets. Il en va de même pour la durée de conservation des informations (une mise en cause demeure vingt ans au TAJ en application de l’article R. 40-27 du Code de procédure pénale sauf pour certaines situations particulières). A ce titre les faits ayant conduit à une condamnation pénale demeurent au TAJ pendant de nombreuses années après l’effacement des bulletins 2 et 3 du casier judiciaire).

Une personne souhaitant exercer les fonctions d’agent de sécurité ou obtenir un renouvellement de son autorisation d’exercice peut se voir opposer une mise en cause intervenu de nombreuses années auparavant.

La jurisprudence est venue limitée les possibilités pour le CNAPS de se fonder sur des mises en cause ancienne pour refuser une autorisation d’exercer la profession d’agent de sécurité ou de renouveler celle-ci (voir en ce sens CAA de NANTES, 29 mars 2019, n° 17NT03909 ; CAA de NANCY, 6 juillet 2021, n° 20NC01329).

Ainsi, le CNAPS doit prendre en compte :

  • La date des faits pénalement réprimés ou de la mise en cause
  • La gravité des faits vu notamment au regard de la peine prononcée ou de la suite pénale
  • Le caractère isolé des faits
  • Le comportement de l’individu depuis les faits ou tout au long de sa carrière

Deux arrêts récents illustrent cette jurisprudence.

Le premier a été rendu par la Cour administrative d’appel de PARIS (4 Mars 2024, n° 23PA01723). Dans cette décision la juridiction administrative a rejeté un appel du CNAPS contre l’annulation d’un refus de délivrance de la carte professionnelle d’agent privé de sécurité.

Elle a estimé qu’une condamnation pénale de 2008 à une peine d’un an de prison avec sursis pour des faits d’agression sexuelle commis en mai 2008 ne pouvaient servir de fondement à un refus de carte d’agent de sécurité. Pour ce faire, la Cour administrative d’appel a relevé que les faits « sont demeurés isolés et dataient de près de douze ans au moment de la décision du 4 mars 2022 » mais également que la personne s’est vue délivrer une carte d’agent de sécurité en 2015 et qu’aucun manquement à ses obligations n’a été relevé depuis lors. Au regard de la date des décisions, les faits n’étaient plus inscrits aux bulletins n° 2 et 3 du casier judiciaire de l’agent de sécurité mais étaient toujours présents au TAJ.

La seconde décision a été prononcée par la Cour administrative d’appel de Douai (14 Mars 2024, n° 22DA00161). La juridiction rejette également un appel du CNAPS contre l’annulation en première instance d’un acte de refus de délivrance d’une carte professionnelle d’agent privé de sécurité.

En l’espèce, la Cour a estimé qu’une condamnation de 2017 à un an d’emprisonnement avec sursis assorti d’une amende de 6 000 euros pour des faits de commis, entre le 1er septembre 2010 et le 30 avril 2011, des faits de prêt de main-d’œuvre à but lucratif hors du cadre légal du travail temporaire et d’exécution d’un travail dissimulé ne suffisait pas à rejeter une demande de carte professionnelle. Cette appréciation est liée au caractère ancien et isolé des faits.

La même décision a relevé qu’une mise en cause pour des faits de fraude fiscale et de banqueroute le 1er janvier 2008, de fraude fiscale entre le 1er août 2010 et le 31 juillet 2012, d’omission d’écriture dans un document comptable et de fraude fiscale entre le 1er janvier 2012 et le 31 juillet 2012 n’était pas établie.

Ces derniers éléments amènent à réfléchir à la durée de mise à jour des données par le parquet. Des faits contestés et n’ayant a priori pas donnés lieu à une condamnation pénale ne devraient plus être inscrits au TAJ ou a minima faire l’objet d’une mention interdisant leur consultation lors d’enquête administrative (article 230-8 du Code de procédure pénale). Maintenir ces données au TAJ présente de surcroît un risque économique pour l’Etat. Dans les deux affaires, les agents de sécurité pourraient être fondé à engager la responsabilité de l’Etat s’ils démontrent un préjudice.

Des interrogations sur les refus de carte d’agent de sécurité ? N’hésitez pas à me contacter.

Par ailleurs, merci, Pierre pour tes observations sur la responsabilité de l’Etat pour consultation de données irrégulières.