Marchés publics, prestations juridiques et candidature d’une personne publique

Différents opérateurs économiques ont saisi le tribunal administratif de Rennes d’un référé précontractuel visant à contester l’ensemble de la procédure mise en œuvre par une commune pour l’attribution d’un marché relatif à des études d’urbanisme en vue de l’extension de l’agglomération dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté (ZAC).

Par une ordonnance du 22 avril 2015 (TA RENNES, ord., 22 avril 2015, n° 1501493), le Juge des référés a fait droit à cette demande.

Les membres du groupement attributaires du marché ont saisi le Conseil d’Etat.

Cette juridiction a annulé l’ordonnance (CE, 18 septembre 2015, CNAM, N° 390041). Mais elle a constaté que, postérieurement au recours en cassation, le Pouvoir adjudicateur a déclaré sans suite pour motif d’intérêt général la procédure litigieuse, en vue de préparer une nouvelle consultation. La juridiction suprême de l’ordre administratif a alors prononcé un non-lieu à statuer.

Pour censurer l’ordonnance qui lui était déférée, le Conseil d’Etat a tout d’abord relevé que « le juge du référé précontractuel a accueilli le moyen tiré de ce qu’il n’entre pas dans la mission de service public d’enseignement et de recherche du Conservatoire national des arts et métiers, établissement public, de délivrer des prestations de conseil juridique en droit de l’urbanisme ; »

Ensuite, il a rappelé que l’officie du Juge des référés précontractuels confronté à l’examen de la régularité de la candidature d’une personne morale de droit public doit vérifier que l’exécution du contrat en cause entrerait dans le champ de sa compétence. En outre, s’il s’agit d’un établissement public, son analyse doit porter sur le respect du principe de spécialité auquel ce type de personne morale est tenu.

Sur ce dernier point, le Conseil d’Etat a également précisé qu’un Juge des référés précontractuels est tenu de vérifié si l’exécution du marché ne constitue pas un complément normal de la mission statutaire d’un Etablissement public. Or, en l’espèce, le Juge des référés n’aurait pas réalisé cette opération.

En outre, le Conseil d’Etat a relevé que le membre du groupement attributaire était l’association de gestion du Conservatoire national des arts et métiers des Pays de la Loire, personne morale de droit privé, et non l’établissement public lui-même.

La simple lecture de cette décision semble la placer dans le courant jurisprudentiel ouvert en 2000 par l’avis contentieux Société Jean-Louis Bernard Consultants (CE, avis contentieux, 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, Lebon 492) qui a facilité les candidatures de personnes publiques aux marchés publics (voir également en ce sens (CE, ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris, Lebon 272 ; CE Ass. 30 décembre 2014 Société Armor SNC, n° 355563).

Mais la lecture de l’ordonnance rendue initialement par le Juge des référés du Tribunal administratif de RENNES interroge la portée de la censure réalisée par le Conseil d’Etat.

Ainsi, dans la décision de première instance, il n’est aucunement fait mention à la candidature d’un établissement public.

En outre, l’ordonnance du Juge des référés se concentrait davantage sur la question de la possibilité pour le CNAM, titulaire d’une mission de service public d’enseignement et de recherche, de délivrer des consultations juridiques :

« Considérant qu’il n’entre pas dans la mission de service public d’enseignement et de recherche assurée par le CNAM de valider juridiquement l’ensemble des pièces du dossier et des procédures relatives à des études d’urbanisme en vue de l’extension d’une agglomération dans le cadre d’une ZAC ; que dans ces conditions, la candidature présentée par le groupement URBéA / ABE Atelier Bouvier Environnement / Gwenaël Desnos / CNAM Pays de la Loire, où le CNAM est présenté en qualité de juriste habilité à délivrer des consultations juridiques sur le fondement de l’article 61 de la loi du 31 décembre 1971, doit être regardée comme ayant été retenue en méconnaissance des dispositions du règlement de consultation ; » (TA RENNES, ord., 22 avril 2015, n° 1501493)

Pour rappel, l’article 61 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques permet aux organismes chargés d’une mission de service de délivrer des consultations juridiques si celle-ci ont un lien avec ladite mission :

« Les organismes chargés d’une mission de service public peuvent, dans l’exercice de cette mission, donner des consultations juridiques. »

Or, le CNAM qu’il soit personne publique ou privée correspond à cette définition puisqu’il dispose d’une telle mission de service public d’enseignement et de recherche.

Mais cette mission n’a, semble-t-il, pas véritablement de lien direct avec la délivrance de consultations juridiques en matière d’urbanisme comme en l’espèce.

Dès lors la censure opérée par le Conseil d’Etat apparaît contestable.

A tout le moins, on peut regretter que le Conseil d’Etat n’ait pas statué sur la portée de l’article 61 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 en raison de l’abandon de la procédure de passation du marché public par la Commune.

Damien GUILLOU

Avocat au Barreau de LORIENT

Pour plus de renseignements, vous pouvez me contacter à l’adresse suivante : damien.guillou@avocat-conseil.fr

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